Il y a des vignerons qui font du vin.Et puis il y a ceux qui le vivent.
Jean-Yves Lapeyre fait partie de cette deuxième espèce, rare et précieuse, celle des artisans du goût, des conteurs de terroir, de ceux qui préfèrent la terre sous les ongles à la gloire sur les réseaux.
Minervois, terre de feu et de patience
Direction Trausse-Minervois, dans l’Aude. Ici, la garrigue sent le thym, le vent sèche les pierres et le soleil cisèle les grappes. C’est là que le Domaine L’Amourier s’étend, héritage familial transmis de génération en génération.
Le nom, “L’Amourier”, vient de l’occitan morièr — le mûrier — en clin d’œil à l’histoire ancienne du lieu, où l’on élevait jadis des vers à soie. Aujourd’hui, ce sont les ceps qui tissent leur trame, patiemment, entre argiles rouges et graviers blancs.
L’école du bon sens
Jean-Yves n’a pas appris la vigne dans les livres, mais dans les rangs.
Sous le soleil, dans la poussière, les mains pleines de sève et la tête pleine d’idées.
Il a repris le flambeau avec son frère Luc, en gardant une idée simple : faire du vin bon, vrai, vivant.
Pas de recette magique. Pas de poudre aux yeux.
Ici, la vigne est travaillée en bio, sans pesticides, sans intrants inutiles. On taille, on bêche, on observe. On laisse la nature respirer, et elle le rend bien.
Vinifier, c’est écouter
La cave, c’est une oreille.
Jean-Yves y écoute ses raisins murmurer leur histoire.
Les fermentations se font à levures indigènes.
Les extractions sont douces, jamais brutales.
Les élevages se font en cuves, en foudres, parfois en vieilles barriques, mais toujours avec une idée : ne pas maquiller le vin.
Le soufre ? Juste ce qu’il faut.
Le bois ? Pas pour se donner un style, mais pour arrondir, adoucir.
La main de l’homme est là, mais elle s’efface dès qu’elle le peut.
Une philosophie sans fard
Jean-Yves Lapeyre n’aime pas les étiquettes (sauf celles de ses bouteilles).
Pour lui, le vin naturel ou bio n’est pas un effet de mode, c’est une évidence.
“On ne commande pas la vigne, on la comprend.”
Cette phrase, il ne la dit peut-être pas, mais il la vit.
Ses vins sont le reflet de son tempérament : francs, équilibrés, discrets dans la forme, intenses dans le fond. Pas de tape-à-l’œil, pas de bois vanillé qui hurle à la bouche.
Juste le goût du fruit, du lieu, de l’année.
Ce qu’on boit, c’est un paysage
Boire un vin de Jean-Yves Lapeyre, c’est goûter le Minervois dans ce qu’il a de plus vrai.
La lumière du sud, la rudesse du vent, la tendresse du soir.
C’est un vin de terroir, de patience, de conviction.
Un vin d’artisan, pas d’industriel.
Un vin qui raconte une histoire d’amour : celle de l’homme et de sa terre.
Et comme souvent dans les belles histoires, ce n’est pas le feu d’artifice qu’on retient, mais la sincérité du geste.